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Incendies (et autres catastrophes)

Publié le par Oxymore

Début juillet dernier, C.L. m'avait envoyé la photo d'une maison en flammes, derrière chez lui, à la Bégude. Il ne me l'a pas précisé, mais je pense que c'est lui qui a pris la photo.

Incendies (et autres catastrophes)

Cela m'a fait penser à divers incendies qui se sont produits à Feyzin.
Bien sûr, en premier lieu, on pense à la terrible catastrophe de Feyzin, présente dans toutes les mémoires des Feyzinois qui ont vécu ces tragiques moments (4 janvier 1966). Ce blog raconte cela dans plusieurs articles (utiliser la "recherche" sur l'interface pour retrouver ces articles)

Incendies (et autres catastrophes)
Incendies (et autres catastrophes)

Et puis il y a eu l'incendie du clocher de l'église, en 1887. Ce n'était pas un acte criminel, comme on en voit trop de nos jours (particulièrement dans les lieux de culte), mais la foudre qui frappa le clocher. Comme Georges Saunier dans ses ouvrages sur Feyzin, j'ai raconté dans ce blog que mon grand-père, Noël Ayme (chef de gare de son état) donna l'alerte, et on disait par la suite qu'on avait vu les cloches fondre et produire ainsi d'étranges lumières... Le clocher détruit (qui était en pointe), fut reconstruit avec la forme qu'on lui connaît aujourd'hui.

Avant et après l'incendie
Avant et après l'incendie

Avant et après l'incendie

Et puis il y eu aussi l'incendie de la boulangerie de la rue des Razes, je crois en 1932. Cette boulangerie appartenait à ma grand-mère, Angèle Ayme (veuve de Noël Ayme). Le feu avait pris dans le fournil, et s'était propagé jusqu'au toit (mon oncle Albert était monté pour tenter, à la hache, de séparer les deux toits, pour que la maison voisine ne prenne pas feu). Par la suite, la boulangerie devint bureau de tabac.

Pour l'anecdote, il y eut un autre feu (sans gravité) dans cette maison fin 1977.

Sur la photo ci-dessous (au milieu), on voit la maison qui fait l'angle, ma grand-mère est à la fenêtre.

Incendies (et autres catastrophes)

Enfin, il y eut aussi en 1932 une explosion à l'usine "de films" Lumière. Là c'est Dominique Bailly qui, à l'aide des quotidiens de l'époque, raconte cela, ci-dessous.

Explosion à l'usine Lumière, deux morts

Tout le monde a entendu parler de  l’explosion de janvier 1966, mais combien connaissent l’existence de celle  qui frappa la commune de Feyzin une trentaine d’années auparavant le 24 mai 1932. Toute proportion gardée, on réalise à la lecture des faits rapportés l’émoi qu’elle suscita à l’époque dans un village encore essentiellement rural.

Extrait d’un courrier envoyé de Feyzin le 26 mai 1932 :

« Nous venons d’avoir bien peur car il vient d’y avoir une forte explosion à l’usine des films à Feyzin. C’est affreux ! C’est arrivé avant-hier mardi à 3 heures et demie de l’après-midi. Tante Valentine et moi étions dans la maison, lorsque tout-à-coup nous avons été secouées formidablement ! En même temps, nous avons entendu un bruit épouvantable ! La maison tremblait ! Nous avons ressenti une secousse terrible qui nous a fait bouger sans que nous bougions nous-même ; nous avons cru d’abord que c’était le tonnerre qui était tombé sur la maison ou sur les platanes car le temps était orageux, lorsque nous avons entendu la corne de l’usine, alors nous avons eu terriblement peur ! Tante Valentine est montée voir en haut aux fenêtres et moi je me suis vite sauvée dans la cour où j’ai vu une énorme masse de fumée, qui venait de l’usine ; nous n’avons pas eu de vitres cassées, mais il y en a eu au Carré Brûlé et à la Bégude et naturellement des quantités dans le quartier de l’usine. Il y a eu deux ouvriers de tués, on vient de les enterrer cet après-midi à 4 heures et demie. On a fait l’enterrement des deux à la fois, j’en viens, il y avait énormément de monde, il y a eu deux discours au cimetière. Il y a eu quelques blessés mais peu et légèrement. »

Le quartier Lumière

Le quartier Lumière

Mix d’articles publiés par la presse locale et nationale :

(Le Figaro, L’Humanité, Le Matin de Paris et Le Petit Parisien du 25 mai 1932 ; La Croix  et Le Temps du 26 mai 1932 et le Journal de Vienne  du  28 mai 1932)

« Une violente explosion qui a été entendue à plusieurs kilomètres s'est produite mardi à 15h30, à l'usine Lumière, située sur le territoire de la commune de Feyzin près du pont de Vernaison à une dizaine de kilomètres de Lyon, dans un atelier de séchage du coton-poudre à base de nitrocellulose, implanté dans deux bâtiments appartenant aux anciens établissements de cellulose Planchon. Les deux bâtiments en question, isolés du reste de l’usine servaient de stockage au fulmicoton, ce qui limita heureusement les dégâts. L'explosion fut d’une violence extrême. Des bâtiments, qui occupaient une superficie de cent mètres carrés, et qui étaient construits en forte maçonnerie, il ne reste pas une pierre, pas une brique, Tout a été dispersé. Un vaste entonnoir d’1m50 de profondeur et de plusieurs mètres de diamètre marque l’emplacement où s’élevait l’atelier de séchage. Il y eut dans l’usine un véritable moment d’affolement. On a cru à un moment qu’il y avait de nombreuses victimes car l’usine occupe près de 150 ouvriers et ouvrières.

Les pompiers de Lyon noyèrent les caisses de nitrocellulose enflammées. Ils se rendirent assez facilement maîtres du sinistre lequel a été provoqué croit-on, au vu de la première enquête, par la foudre qui est tombée sur l’atelier de séchage du fulmicoton au cours du violent orage qui s’est abattu, au moment de l’explosion, sur la commune. A vingt mètres environ du bâtiment, on retrouva le corps carbonisé et déchiqueté de M. François Chavant, soixante-neuf ans, qui travaillait dans l'atelier de séchage, et avait été projeté à 25 mètres de son poste de travail. A soixante mètres environ de là, dans un bâtiment effondré, on découvrit le cadavre de la seconde victime qui avait été prise sous l'éboulement du toit de l'atelier, M. Jules Beillot, cinquante-quatre ans, père de famille, demeurant comme M. Chavant à Feyzin, lieu des Razes (tous deux manœuvres, mariés et pères de famille). Fort heureusement dix ouvrières avaient quitté le bâtiment quelques minutes avant l’accident.

Quelques blessures superficielles occasionnées par des débris de vitres et boiseries ont été enregistrées dans le personnel : six autres ouvriers ont été blessés légèrement. Citons parmi ces blessés légers : MM. Ligier, Ducret et Merlin de Feyzin ; M. Fournier de Saint Symphorien d’Ozon.

Le bâtiment principal de l’usine n’ayant pas été atteint, ni les quatre autres pavillons, la fabrication ne sera pas arrêtée et il n’en résultera aucun chômage. Les dégâts dépassent un million. Le parquet de Vienne s’est déplacé sur les lieux.

Les funérailles des deux victimes ont lieu jeudi soir, à 16h30, au milieu d'une très nombreuse assistance, où l'on remarquait M. le Sous-Préfet de Vienne, et de nombreuses notabilités. »

Quant à l’Humanité, son article était intitulé « Premières victimes de la guerre !» et clôturé de cette phrase prémonitoire : « Déjà deux morts et cinq blessés pour la préparation de la guerre qui vient, et c’est miracle que la catastrophe n’ait pas eu des conséquences plus dramatiques encore. »

Durant les années 30 qui ont vu le retour du nationalisme, les accords internationaux en faveur du pacifisme n’étaient plus de mise. La conférence  diplomatique pour le désarmement, organisée à Genève par la Société des Nations depuis le 2 février 1932, échoua du fait du retrait de l’Allemagne qui se lança alors dans la politique d’armement que l’on sait.

Le Fulmicoton est une substance explosive obtenue par l’action d’acide nitrique sur une cellulose de coton. La nitrocellulose, notamment sous forme de collodion, a connu de multiples usages principalement comme explosif. Mais dans le cas des établissements Lumière, le collodion était utilisé dans le cadre des industries photographiques et cinématographiques, et non pour préparer la guerre !

On le coulait sur des plaques en verre pour contenir les substances sensibles nécessaires pour les photographies. En mélangeant le nitrate de cellulose à du camphre, on obtenait un celluloïd qui était utilisé comme support souple pour les premières pellicules utilisées par l’industrie cinématographique. Mais de par leur nature, celles-ci étaient très inflammables et furent donc vite abandonnées.

Feyzin étant situé en limite  des départements de l’Isère et du Rhône, ce sont les pompiers de Lyon qui sont venus en intervention, mais les constatations ont été faites par le parquet de Vienne.  Côté officiels, c’est le  Sous-Préfet de Vienne qui s’est notamment déplacé pour la cérémonie d’hommage.

Comme en 1966, cette explosion eut les « honneurs » de la presse nationale.

A la lecture de la relation faite  par une feyzinoise, on peut aussi appréhender les dégâts causés par l’explosion dans les différents quartiers du village, ainsi que l’émoi suscité parmi les habitants. Ce récit n’est d’ailleurs pas sans similitudes avec certains témoignages relatifs à l’explosion de la raffinerie.

 

Tableau qui fut en vente sur eBay représentant les usines Lumière à Feyzin en 1930 (déjà publié dans ce blog)

Jean-Claude Courtin, Feyzin, Paysage industriel, 1930

Jean-Claude Courtin, Feyzin, Paysage industriel, 1930

 

Pour finir cet article (mais rien à voir avec ce qui précède), C.L. m'a envoyé cette belle photo de Feyzin en été, une voie près du château de Hurlevent.

Incendies (et autres catastrophes)

Je remercie encore C.L. et Dominique Bailly, sans lesquels mon blog ne serait pas ce qu'il est!

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